Entretien sur la filière du tourisme avec le journal Hospitality ON
123 IM : « Il est important pour nous aujourd'hui d'être acteurs sur toute la filière tourisme »
Entretien avec Xavier Anthonioz co-fondateur et président du directoire et Pierre Dupuy-Chaignaud membre du directoire chez 123 Investment Managers.
L'investisseur français cultive ses spécificités et investit auprès des entrepreneurs français du tourisme. L'augmentation de son capital lui permet de maintenir une croissance en lien avec ses objectifs.
Pouvez-vous nous partager l'aventure entrepreneuriale 123 IM que vous avez co-fondé il y a maintenant 20 ans.
Xavier Anthonioz : « L'histoire d'123 IM, c'est l'histoire de 3 jeunes qui travaillent dans la finance et qui sont très attirés par le private equity. Le financement des entrepreneurs français c'est une formidable classe d'actifs avec de nombreuses qualités : la décorrélation, la diversification et la performance. C'est de l'investissement utile. Quand nous arrivons sur le marché dans les années 2000, c'est une classe d'actifs très peu présente dans les portefeuilles des investisseurs privés.
Nous avons créé 123 IM pour rendre accessible cette classe d'actifs aux investisseurs privés avec pour objectif d'organiser une distribution et des produits qui soient adaptés, compréhensibles et digestes pour ces profils d'investisseurs.
Aujourd'hui les investisseurs privés découvrent la private equity et le marché s'affole. C'est le fruit de 20 ans de travail et pas uniquement d'123 IM, je pense à nos confrères qui font le même métier que nous et qui ont beaucoup contribué au même titre que nous. Nous sommes peu nombreux à avoir commencé il y a 20 ans mais nous sommes quelques uns à avoir évangélisé ce marché des conseillers en gestion de patrimoine et des banques, pour arriver à la situation actuelle où tout le monde veut acheter du private equity.
123 IM ce sont 20 ans d'histoire après des entrepreneurs français. Nous revendiquons une approche tournée vers les entrepreneurs français. Nous soutenons les secteurs qui fonctionnent le mieux en France dont le tourisme. En 2008-2009 peu d'acteurs se sont intéressés au secteur de l'hôtellerie, nous sommes encore moins à avoir parié sur l'hôtellerie de plein air.
123 IM se veut également comme un acteur global du private equity et nous n'avons jamais souhaité travailler un seul secteur ou une seule typologie de produit. Nous travaillons au sein de 4 silos. Le tourisme où la France s'illustre, bien que son industrie ait encore besoin de s'adapter. Le tourisme pèse environ 25% des 2,5 milliards d'€ (pour 10 milliards € d'actifs financés) que nous avons investi à date. Nous avons à date 1,3 milliards € de stocks sous gestion.
Nous accompagnons aussi beau coup le secteur de la construction et de la promotion immobilière de logement. Il y a une crise structurelle du logement en France depuis de nombreuses années. Nous investissons également dans le secteur de la santé. Au même titre que le tourisme, c'est un sujet important notamment avec le vieillissement de la population. Que ce soit autour de la pharmacie, des laboratoires, des résidences sénior ou encore des EHPAD. Nous accompagnons beaucoup ce secteur qui est en pleine mutation et en consolidation.
Nous investissons dans le secteur de la transition énergétique. Nous avons racheté une équipe d'investisseurs il y a 18 mois pour le financement et le développement de parcs éoliens ou autres énergies décarbonées.
Nos stratégies d'investissement existent sous différents formats. Fonds de fonds, mixés avec des gérants externes, également fonds sectoriels sur les quatre thématiques que je viens de citer. Ainsi cette année nous avons un fonds sur le tourisme, un fonds sur la santé, un fonds sur l'immobilier et un fonds sur les énergies renouvelables. Nous proposons également à nos clients de rentrer dans des club deals. C'est un montage qui marche particulièrement bien sur l'hôtellerie. Les clients peuvent en effet facilement comprendre ces actifs qui sont tangibles et qui ont démontré leur résilience.
123 IM offre donc une diversité en termes de secteurs d'activité, de produits. Nos clients sont B to B. Ce sont des conseillers en gestion de patrimoine ou encore des assureurs ou des banques qui proposent nos produits. Depuis 3 ans, nous avons 21 grands investisseurs institutionnels qui nous accompagnent dans nos fonds. »
Quelle part du tourisme dans les actifs du groupe ?
Pierre Dupuy-Chaignaud : « Le tourisme représente 500 millions d'investissements sur 1,3 milliard d'euros. Au sein de ce pôle tourisme, la partie hébergement pure représente 70% des investissements. Les 30% restants étant dévolu à des investissements dans des actifs loisirs. Côté hébergements, nous avons 70% de nos investissements fléchés vers l'hôtellerie et 30% vers l'hôtellerie de plein air.
J'ai développé la practice du tourisme depuis que je suis chez 123 IM. Il est important pour nous aujourd'hui d'être acteurs sur toute la filière tourisme, dans l'aménagement du territoire que ce soit en régions à Paris, en bord de mer ou en montagne. Cela passe par la stimulation de l'offre. Très concrètement, accompagner un groupe local qui assure le lien entre le continent et l'île de Bréhat, cela a permis au groupe d'assurer sa transmission et d'équiper sa flotte de moteurs électriques. Nous sommes aux côtés de Bpifrance afin qu'ils ne soient pas seuls sur ce type d'investissements.
Sur l'hôtellerie de plein air, il faut également qu'il y ait des groupes régionaux et nationaux forts, que ce soit en France, en Espagne ou au Portugal. Nos métiers existent peu en Italie ou en Espagne, ce sont avant tout des foncières qui sont présentes sur ces marchés. Ces profils d'investisseurs ne traitent que les murs et pas les activités connexes. C'est là que nous avons un rôle à jouer notamment pour développer de plus petits porteurs avec des groupes régionaux. Cette dynamique fait évoluer l'offre locale.
Si nous laissons se développer le marché de l'HPA tel qu'il est entrain de se construire aujourd'hui, il y aura demain 3 groupes et tous les autres acteurs indépendants sous franchises disparaitront alors qu'ils font vivre des territoires et génèrent de l'emploi en dehors de leurs structures (Bureaux d'études, avocats, experts comptables…).
Ces profils vont également beaucoup investir dans leurs actifs et sur leurs territoires avec une vision patrimoniale de leurs biens. Les groupes familiaux de l'HPA, qui souvent vivent a proximité de leurs campings, réinvestissent énormément le bénéfice qu'ils font. Les campings arrivent donc à des niveaux d'équipement élevés et qualitatifs.
C'est un schéma que l'on retrouve chez les hôteliers franchisés historiques. »
Où en sont les projets de développement partagés sur Hospitality ON à l'été dernier ?
Pierre Dupuy-Chaignaud : « Nous traversons une période où le marché est particulier. Il y a des opérations qui se font mais à des niveaux de valorisation qui ne correspondent pas à nos standards. Il faut être prudent actuellement car nous entamons une phase de dégonflement des prix sur les actifs hôteliers et les actifs d'hôtellerie de plein air (HPA).
Il y de nombreuses opérations actuellement et nous pouvons prendre part à ces transactions notamment quand les opérations se font avec les propriétaires. En fin d'année nous sommes restés très concentrés sur l'hôtellerie de plein air en Espagne et en France pour les closings de Camping Paradis et Yukadi Village qui sont des opérations structurantes pour ces groupes.
Nous restons focalisés sur nos priorités. Notre grande force c'est la « mutualisation des briques ». 123 IM a investi 270 millions d'euros et en a collecté 250 millions en 2022. Nous avons investi dans les énergies renouvelables, dans l'immobilier marchand, dans la pharmacologie et à hauteur de 70 millions d'euros dans le tourisme.
Ces 70 M€ nous les avons majoritairement investis dans du camping, puis dans l'hôtellerie ainsi que dans des activités connexes dans le loisirs. Nous ne sommes pas obligés d'investir dans le tourisme pour nous développer. Nous avons la force de pouvoir être souples sur les investissements.
Nous avons également le levier de travailler sur notre portefeuille existant pour dégager de la valeur. Ainsi nous finançons les plans de CAPEX qui ont pris du retard depuis 2020. Nous sommes sur une remise en marche actuellement après deux ans où les groupes étaient en position de protection. De mars 2020 à septembre 2022, l'incertitude était encore forte.
Travailler à la sobriété énergétique de nos actifs fait partie d'un dispositif plus large car nos fonds sont articles 8. Nous intégrons depuis de nombreuses années l'ESG au sein d'123 IM. Nous mettions l'accent sur le sociétal et le social historiquement car la PME s'y prête bien.
Nous avons créé une boite à outils pour nos partenaires sur des sujets comme le partage de valeur. Toujours dans l'amélioration du pouvoir d'achat des salariés nous avons mis en place l'avance sur salaire. C'est un dispositif extrêmement utile pour les plus bas salaires et qui a été extrêmement bien accueilli.
Dans le dernier fonds, nous avons ajouté une composante environnementale en améliorant la note du diagnostic énergétique. Tant sur les émissions de gaz à effet de serre, que sur la consommation d'énergies avec par exemple la consommation d'eau. Une grande partie des hôteliers est dans le cadre des objectifs 2030 et c'est ce qui doit servir de base.
Historiquement, le fait de réaliser de très nombreuses opérations nous a permis de faciliter ces transactions en démystifiant la complexité d'une acquisition. Je pense que nous pourrons suivre ce chemin sur les questions liées aux dépenses énergétiques. Nous accompagnons les acteurs avec qui nous sommes partenaires qui sont plus ou moins sensibles à ces questions. Ce sont pourtant des éléments qui génèrent peu de surcout à partir du moment où le sujet a été anticipé dans la définition du cahier des charges au moment des rénovations/ constructions. »
Quelle est l'ambition RSE d'123 IM ?
Xavier Anthonioz : « 123 IM a un long historique d'innovation. Que ce soit dans les produits ou sur les thématiques. Parmi les innovations que nous sommes fiers de mettre en œuvre, nous avons été les premiers à lancer des fonds avec une composante finance solidaire. Nous avons été un des premiers à appliquer les critères ESG dans les process de gestion des investissements. Nous avons également été parmi les premiers à proposer des fonds impact sur la santé et les énergies renouvelables.
En dehors des fonds de fonds, tous nos produits sont article 8 ou 9. L'impact de nos fonds est monitoré sur la santé par exemple ou encore sur les énergies renouvelables. Pour le tourisme, nous avons des critères sur l'intéressement des salariés. Face au problème de main d'œuvre dans le tourisme, pour retenir les personnes il faut mieux les rémunérer et cela peut aussi se manifester par un intéressement à la bonne marche de l'entreprise. Il est également nécessaire de créer des emplois en région et de travailler sur l'insertion professionnelle. Ainsi sur chacun de nos fonds articles 8 ou 9 nous avons des objectifs de développement durable sur lesquels nous aurons des carried interest directement en relation avec l'atteinte de ces objectifs. »
Quels objectifs poursuivez-vous avec l'ouverture du capital d'123 IM ?
Xavier Anthonioz : « Comme toute société ancienne, nous avions conservé au capital au fil des années des personnes qui n'étaient plus opérationnelles et pour lesquelles nous n'avions pas organisé la liquidité. Nous avions donc l'objectif de sortir ces personnes inactives pour leur rendre leurs liquidités.
Ils ont été remplacés par les forces vives qui sont avec nous tous les jours : les collaborateurs. Ils n'avaient avant l'opération que 10% du capital, ils pèsent désormais pour 25% du capital. Nous souhaitions faire monter une nouvelle génération d'associés actionnaires. J'ai vécu un premier cycle avec les associés historiques et j'ai maintenant réuni autour de moi une nouvelle génération de managers.
Nous souhaitions également trouver sur la place un acteur qui soit capable de nous accompagner dans notre projet de développement. Nous avons vu de nombreux acteurs, que ce soit des industriels, des fonds privés, des assureurs, des mutuelles, des fonds de private equity qui souhaitaient nous intégrer dans leur plateforme d'offre…
Nous cherchions un acteur qui accepte d'être minoritaire afin que nous gardions la main. Nous sommes sur un marché en plein décollage sur lequel nous sommes légitimes car présents depuis 20 ans. Nous voulions nous associer à un partenaire bienveillant et qui connaisse bien l'écosystème du private equity.
Ces nouveaux partenaires sont là pour nous accompagner dans notre développement et ainsi gérer 2,5 à 3 milliards d'€ dans 5 ans.
Notre objectif central est de diriger l'épargne des français dans l'économie réelle. Cela leur permettra de donner du sens à leur épargne en investissant directement à côté de chez eux, dans des thématiques qu'ils comprennent, qui sont non délocalisables. Nous voulons également réconcilier les épargnants français avec les entrepreneurs. »
Quelles sont les ambitions 2023 du pôle tourisme ?
Pierre Dupuy-Chaignaud : « Nous souhaitons continuer sur la base de ce qui a été accompli en 2022. Soit investir autour de 70 millions € en fonds propres pour une vingtaine d'opérations aux côtés de nos partenaires historiques.
Concernant de nouveaux territoires, nous souhaitons accompagner des acteurs régionaux en Espagne ou en Italie. »