Snowleader : interview de Thomas Rouault, cofondateur
Snowleader, bien plus qu’une « Reblochon Company » : expansion, innovation et tradition pour assurer la durabilité de l’entreprise
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Cofondée par Thomas Rouault en 2008 dans les Aravis, Snowleader est une plateforme de vente d’équipement outdoor qui allie innovation technologique et services d’excellence avec un soutien sans faille aux…fabricants de reblochons fermiers locaux. Combinaison improbable ? Au contraire, elle montre la volonté de participer, à son échelle, à l’économie des montagnes par des actions environnementales et sociales tout en faisant partie des plus robustes croissances de la French Tech. Cinq questions à Thomas Rouault pour en savoir plus sur les différentes démarches ESG de Snowleader, the Reblochon Company.
Q1 : Dès le démarrage de Snowleader dans un garage du Grand Bornand, vous aviez tenu à lier commerce et mécénat. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet engagement sociétal ?
Thomas Rouault (TR) : Dès le lancement du site en 2008, nous avions créé le programme Eurobloch. Si son nom est un clin d’œil à notre baseline « the Reblochon Company », son objectif est très sérieux puisqu’il s’agit de soutenir des associations œuvrant sur des sujets qui nous tiennent à cœur tels que la protection de la montagne ou l’accès à la chirurgie cardiaque pour des enfants vivants dans des pays médicalement défavorisés. Le concept était simple : pour 1€ donné par un client, Snowleader abondait également d’1€ – une stratégie qui a très bien fonctionné jusqu’à ce que la loi Chatel impacte cette méthode de collecte en 2014.
Pour continuer à contribuer au financement des associations, nous avons opté pour des opérations autour du Black Friday, une période excellente pour notre chiffre d’affaires mais moins positive pour la planète. En choisissant de reverser 1% du chiffre d’affaires de la période, nous avons pu donner 15 000€ en 2018 et 20 000€ en 2019.
En 2020, on a voulu aller plus loin et on s’est engagé à reverser 15€ par commande supérieure à 150€ début décembre – ce fut un énorme succès puisque nous avons dépassé les 150 000 € de dons d’une part et avons reçu les félicitations de nombreuses grandes marques ravies de cet engagement.
Par ailleurs, nous avons souhaité structurer et pérenniser ce mécénat en créant une fondation qui regrouperait l’ensemble de ces actions ponctuelles et y ajouter la promotion de la découverte de la montagne, notamment auprès des enfants. Nous avons reçu l’agrément préfectoral en décembre, joli cadeau de Noël et de nombreux projets sont à l’étude dont certains apportés par les mairies – on vous en dira plus l’an prochain !
Notre engagement sociétal, c’est aussi de faire profiter les agriculteurs du développement du e-commerce. Dès notre démarrage, nous offrions un reblochon fermier pour toute commande supérieure à 150€. Au-delà du positionnement décalé et de l’opportunité de communication, cette offre a permis d’offrir plus de 135 000 reblochons en 10 ans, apportant ainsi un soutien aux agriculteurs des Aravis.
Q2 : Egalement dans l’ADN de Snowleader, il y a la conviction que les enjeux sociaux sont importants pour la réussite durable de l’entreprise et vu sa croissance olympique, cela a dû être un challenge de garder la culture presque familiale du départ.
TR : Effectivement, le bien-être de nos collaborateurs sur le lieu de travail est un sujet important pour nous. Ainsi, pour que tous puissent manger facilement sain et varié, nous avons installé des frigos connectés « Manger Nu » dans lesquels les collaborateurs choisissent du petit-déjeuner au dîner des collations, petits plats et desserts mitonnés par un traiteur local et renouvelés tous les jours. Le frigo étant connecté, les collaborateurs règlent directement via leurs badges et les données étant collectées et analysées, le traiteur peut ajuster les quantités limitant ainsi le gaspillage alimentaire. De plus, les contenants et bocaux sont recyclables : ils sont repris par le restaurateur, nettoyés et réutilisés écartant tout sujet de vaisselle jetable et faisant des pauses déjeuners chez Snowleader des moments aussi conviviaux qu’écologiques.
Toujours dans la même optique, nous avons aussi choisi de financer des berceaux dans une crèche à proximité du siège pour les parents – une initiative qui a tellement plus que nous accueillerons une crèche interentreprises dans nos futurs locaux.
Enfin, dès la création de Snowleader, nous avons mis en place un accord d’intéressement et même si le seuil de déclenchement ne fut atteint que trois fois dans les sept premiers exercices, nous sommes ravis d’avoir posé ce partage de la valeur comme élément fondateur. Aujourd’hui, nous avons mis en place un accord de participation qui couvre 100% des collaborateurs.
Q3 : Croissance forte oblige, vous avez prévu de déménager en octobre 2021 dans un nouveau siège social toujours proche d’Annecy puis d’installer la logistique dans un ancien entrepôt réhabilité et agrandi en Isère.
TR : Par cette démarche éco-responsable, nous voulons contribuer à la réduction des déchets de chantier, à la protection des terres agricoles et surtout, ne pas dénaturer les superbes paysages de la région même si nous prévoyons tout de même d’agrandir l’ancien stock de Caterpillar.
Pour notre nouveau siège, nous avons dû construire plutôt que rénover. Au final c’est une opportunité de mettre en pratique notre engagement environnemental en optant pour le label Effinergie qui est structurant tant dans la phase chantier que lors de l’exploitation du bâtiment. En effet, j’avais été choqué de la quantité de déchets non-recyclables qui avait accompagné notre premier chantier et je souhaitais procéder différemment cette fois-ci. Du coup, si la phase d’étude en amont pour choisir les matériaux conformes aux exigences du label – isolants sans emballages, béton bas carbone, panneaux solaires ou bardages en pierres reconstituées pour respecter les quotas de matériaux polluants – fut plus longue que pour un chantier classique, elle a permis de trouver des solutions innovantes pour que la construction se fasse dans le respect de l’environnement et que le résultat soit durable. Par exemple, dans le parking souterrain, nous avons créé des fosses pour que les arbres puissent rester en pleine terre.
Au final, des bureaux labélisés Effinergie ne sont pas d’un coût supérieur malgré les équipements et technologies de pointe, l’effort aura plus porté sur des arbitrages esthétiques : les gammes de coloris des moquettes recyclées sont moins étendues, le choix de pierres et de bardage plus restreints…
Q4 : en pleine expansion du télétravail, ne pensez-vous pas que des locaux même très écologiques, ne répondent plus aux attentes des salariés ?
TR : Justement, nous voulons que ce nouveau siège social à l’heure de la démocratisation du télétravail soit un lieu de vie pour les équipes de Snowleader, un lieu où les collaborateurs auront envie de se rendre. A Chavanod (siège actuel), nous avons un espace détente avec un baby-foot et une console de jeu vidéo et, quand on bloque sur une idée, on peut aussi se faire une partie de ping-pong pour se détendre et reprendre le travail après. Dans les nouveaux locaux nous allons plus loin dans le bien-être et innovons avec une salle de sieste dont je pense qu’elle est tout aussi vitale pour l’équilibre de nos équipes.
Pour que chacun puisse bien travailler, nous avons imaginé un large éventail d’espaces : environnements pour travailler à deux, à quatre, des cabines téléphoniques, des salles de visio et des salles de réunion dont le mur entier est un immense tableau Velléda afin de phosphorer en grand… L’idée étant d’avoir des espaces qui s’adaptent aux évolutions du monde du travail tout en apportant un grand confort aux collaborateurs au quotidien.
Enfin, nous incitons à la mobilité douce avec l’installation de bornes de recharge dans le parking – de trois dans nos actuels locaux à une douzaine dans le futur siège – et donnons l’exemple en basculant toute notre flotte sur des véhicules électriques ou hybrides.
Q5 : Avec un catalogue de plus de 20 000 références et 400 marques, être un acheteur responsable est un enjeu de taille. Comment le gérez-vous ?
TR : Chez les fournisseurs, il y a des majors, mais il y a aussi beaucoup de petites entreprises avec qui il est important de nouer un lien de confiance. Si les grandes marques ont, dans l’ensemble de bonnes pratiques en termes de social, sociétal et environnemental, nous constatons néanmoins que les consommateurs sont de plus en plus intransigeants sur les aspects développement durable et respect du droit du travail et plébiscitent celles dont le comportement leur semble en accord avec leurs valeurs. Ainsi nos ventes de produits Patagonia ont quasiment triplé à la sortie du premier confinement.
Pour ce qui est des petits labels, c’est dans notre ADN d’aller les identifier aux quatre coins de l’Europe pour leur offrir une visibilité à la hauteur de la qualité de leurs produits. Ainsi, nous avons récemment entré un fabricant de bâtons de ski et de matériel de randonnée des Pyrénées et les gammes de textile de Norrona, pépite norvégienne. Nous sommes également vigilants sur le lieu de fabrication, avec une préférence pour le made in Europe et nous mettons en avant l’origine des produits – on constate d’ailleurs un retour de la fabrication textile au Portugal, en Lettonie ou pour Millet, une jolie maison française, en Roumanie.
C’est un bon début, mais nous avons pour projet de poursuivre et renforcer nos actions environnementales, sociales et sociétales en 2021.